Pour ce printemps les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont ressorti la saga de Michael McDowell préalablement sortie en 1983 et qui connut un grand succès. L’intégralité de la saga a fini de paraître en juin mais j’ai pris mon temps avant de dévorer le dernier tome et de vous faire découvrir les volumes 4 à 6.

Blackwater tome 4 : La guerre, traduit par Yoko Lacour avec la participation de Hélène Charrier (244 p., 2022). Illustration de couverture par Pedro Oyarbide.
La guerre n’est peut-être pas là où on l’attend et c’est l’Histoire, tumultueuse en Europe, qui va apaiser – pour un temps ? – la famille Caskey. Des alliances inattendues se forment, des liens sororaux se recréent et le cadre de vie évolue. Elinor se fait plus discrète quant ses filles reprennent doucement le flambeau. Ce tome un peu plus conciliant donne un nouveau ton à la saga, un goût doux-amer qui laisse poindre une légère anxiété car le calme des eaux de la Perdido ne semble pas fait pour durer…
Blackwater tome 5 : La fortune, traduit par Yoko Lacour avec la participation de Hélène Charrier (260 p., 2022). Illustration de couverture par Pedro Oyarbide.
Le temps passe à Perdido. La maternité de Frances est source de bouleversements. Les eaux rouges tumultueuses l’appellent. Billy trouve sa place entre les deux sœurs si opposées et devient membre à part entière de la famille Caskey. La boue écarlate laisse place à l’or noir. Il n’y a plus à craindre une crue dévastatrice, c’est l’argent qui coule à flots. On suit le chemin de nos parents. Sister n’échappe pas à la règle. Le temps passe trop vite à Perdido, le tome 5 s’achève. Place j’imagine au grand final. Voilà le tome 6, le ciel se couvre, la pluie est plus que jamais menaçante : Elinor sauvera-t-elle cette famille singulière devenue sienne ou bien se laissera-t-elle de nouveau submergée par sa vraie nature ? La réponse est imminente….


Blackwater tome 6 : La pluie, traduit par Yoko Lacour avec la participation de Hélène Charrier (260 p., 2022). Illustration de couverture par Pedro Oyarbide.
Voilà le sixième et dernier tome de notre saga familiale à la couverture très attractive, à l’ambiance pesante, embourbée dans les eaux rouges de la Perdido, où l’argent coule à flots mais où le vrai bonheur a du mal à trouver son chemin. Les dernières briques sont posées, les derniers enfants dévoilent leur personnalité, le clan Caskey n’a jamais été aussi soudé, ni autant touché par la mort. Je ne vous en dirai pas plus sur la fin de cette aventure bien étrange. Toutefois de La crue à La pluie, il semble que le cercle se referme sur Perdido.
🚣♀️ QUELQUES EXTRAITS 🚣♀️
Lucille secoua la tête avec scepticisme. Ni cette nuit ni les suivantes elle ne permit à Grace de dormir seule. Elle insista pour qu’elles partagent le même lit. Lucille avait peur du noir au-dehors et du silence qui les enveloppait. Ce silence pesant était seulement rompu par un occasionnel plouf d’un poisson dans l’étang ou le craquement des brindilles sous les pattes des animaux qui sillonnaient les bois. Lorsqu’elle regardait par la fenêtre, elle ne voyait que le reflet froid de la lune, à la surface de l’étang. De l’autre côté de la mare, se trouvait un minuscule cimetière d’une douzaine de tombes où étaient enterrés les membres de la famille qui avait construit cette ferme et dormi dans cette chambre où elles dormaient à présent. Non, pas question que Lucille reste seule. Malgré la chaleur et l’étroitesse de la pièce, elle passait ses nuits blottie dans les bras de Grace. Elle ignorait ce qui l’effrayait le plus : le silence ou l’obscurité, l’étang ou le cimetière sous la lune – à moins que ce ne soit la chose qui grandissait dans son ventre.
Zaddie resta une heure avec le nouveau-né dans la salle de bains attenante à la chambre de Frances ; elle savait qu’il ne valait mieux pas se risquer à sortir sans y avoir été invitée. Au cours des années passées au service d’Elinor, elle avait appris à taire toute curiosité pour ce qu’on ne lui disait pas directement. Après avoir patienté un long moment assise sur le rebord de la baignoire, le nourrisson sur les genoux, elle entendit enfin qu’on frappait un coup à la porte. Elle se leva et ouvrit. Elinor, qui tenait encore le paquet de langes emmailloté, traversait la chambre pour rejoindre l’extrémité du lit. Celui-ci était souillé d’une large tache de sang, d’eau et d’une matière visqueuse gris-vert que Zaddie n’avait jamais vue auparavant, ainsi que de deux cordons ombilicaux – l’un, charnel et sanguinolent, semble à n’importe quel cordon ombilical, l’autre gris, lisse et sans la moindre trace de sang.
J’ai beaucoup apprécié ma lecture de Blackwater, une plume juste et fluide, une histoire prenante, des personnages attachants, fouillés et charismatiques, une saga qui je pense peut être la complice idéale pour l’été. Toutefois j’ai perdu un peu mon enthousiasme sur le dernier tome, j’espérais être plus bousculée mais la Perdido suit son cours sans charrier trop de surprises.
Sans oublier la magnifique édition de Monsieur Toussaint Louverture, aux couvertures détaillées et ciselées. Un très beau travail !
Votre commentaire