L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera

« Si l’éternel retour est le plus lourd fardeau, nos vies, sur cette toile de fond, peuvent apparaître dans toute leur splendide légèreté.
Mais la pesanteur est-elle vraiment plus atroce et belle la légèreté ?
Le plus lourd fardeau nous écrase, nous fait ployer sous lui, nous presse contre le sol. Mais dans la poésie amoureuse de tous les siècles, la femme désire recevoir le fardeau du corps mâle. Le plus lourd fardeau est donc en même temps l’image du plus intense accomplissement vital. Plus lourd est le fardeau, plus notre vie est proche de la terre, et plus elle est réelle et vraie.
En revanche, l’absence totale de fardeau fait que l’être humain devient plus léger que l’air, qu’il s’envole, qu’il s’éloigne de la terre, de l’être terrestre, qu’il n’est plus qu’à demi réel et que ses mouvements sont aussi libres qu’insignifiants.
Alors, que choisir ? La pesanteur ou la légèreté ? »

« Qu’est-il resté des agonisants du Cambodge ?
Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune.
Qu’est-il resté de Tomas ?
Une inscription : il voulait le royaume de Dieu sur la terre.
Qu’est-il resté de Beethoven ? Un homme morose à l’invraisemblable crinière, qui prononce d’une voix sombre : « Es muss sein ! »
Qu’est-il resté de Franz ?
Une inscription : Après un long égarement, le retour.
Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Avant d’être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c’est la station de correspondance entre l’être et l’oubli. »

Lecture classique pour moi ces jours-ci avec ce roman à la fois philosophique, politique et libertin de Kundera. Il n’est peut-être plus nécessaire de le présenter. Cependant, lecture terminée et savourée, je souhaitais vous la partager ! Que ce soit pour cette réflexion sur notre responsabilité quand finalement notre vie n’est que fugacité et nouvelles expériences, notre rapport à l’infidélité et à l’amour quand certains choisissent la légèreté des sentiments, là où d’autres aiment profondément un être fantasmé. Et pour lier ces interrogations, des héros prégnants, Tomas, Tereza, Sabina, Franz et le kitsch, « station de correspondance entre l’être et l’oubli », la musique de Beethoven et l’ombre de Tolstoï.

Une lecture très étonnante, à la fois pour la narration dans laquelle les personnages s’alternent et s’entremêlent, pour le mélange des rêves et de la réalité qui nous font parfois perdre un peu pied, pour le sujet philosophique assez déstabilisant quand nous prenons la peine de nous poser la célèbre question La pesanteur ou la légèreté ? et de l’appliquer à son expérience de vie. C’est aussi un ouvrage politique retraçant les événements du Printemps de Prague, l’oppression, l’engagement et l’exil. La plume de Kundera est fluide, dure et incisive. Elle n’épargne pas nos personnages qui connaîtront plus de tourments que de sérénité alors que chacun a choisi une voie bien différente : la légèreté pour les uns, la pesanteur pour les autres, un entre deux peut-être pour Tomas. J’ai apprécié que chaque héros soit étayé, profond, et souvent dans l’opposition : Tereza, élevée par une mère peu maternelle, exècre son corps, alors que Sabina est souvent nue dans son appartement ; Tomas vole de femme en femme, sans pouvoir se réfréner, tandis que Franz se voue corps et âme à Sabina devenue une image aimée dans son esprit. Le roman se passe en 1968 mais l’écriture de Kundera a ce charme désuet qui donne l’impression de lire un classique de la fin du 19ème siècle. Un incontournable de la littérature, à lire, certainement à relire tant de multiples pistes de réflexions et de remises en question s’insèrent au fil des pages. Il me tarde à présent de me plonger dans d’autres ouvrages de l’auteur afin de poursuivre et d’étoffer mes réflexions sur L’insoutenable légèreté de l’être, qui nous le remarquerons ne s’intitule pas L’insoutenable pesanteur de l’être….

Milan Kundera est un écrivain tchèque, né en 1929 à Brno (Moravie). Naturalisé français en 1975 il écrit dorénavant tous ses ouvrages dans cette langue. Il a reçu de nombreux prix littéraires et a souvent été cité sur les listes pour le prix Nobel.
L’insoutenable légèreté de l’être a été adapté au cinéma en 1988 par Philip Kaufman, avec Daniel Day-Lewis, Juliette Binoche et Lena Olin.

467 p., Éditions Gallimard (1987), Collection Folio, Traduit du tchèque par François Kérel, Nouvelle édition revue par l’auteur.

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5 commentaires sur “L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera

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    1. Ah il faut que je me le note 🙂 L’insoutenable légèreté de l’être je l’ai lu en septembre mais il ne parait que maintenant sur le blog ! J’avais trop de jolies lectures à partager ^^

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