Magellan de Stefan Zweig

« Tout est bouleversé, tout est à refaire : ce qu’on prenait pour une île était une presqu’île, ce qu’on croyait être les Indes était un continent ignoré ; il faut indiquer de nouveaux fleuves, de nouvelles montagnes. Jamais la géographie, la cosmographie n’ont connu, jamais elles ne connaîtront plus un progrès aussi accéléré, aussi enivrant, aussi triomphal que pendant cette période de cinquante années au cours de laquelle ont été déterminées la forme et la configuration définitives de la terre, où l’humanité découvre la planète sur laquelle elle s’agite depuis des temps incalculables. Cette tâche formidable est l’œuvre d’une seule génération ; ses marins ont surmonté tous les dangers pour frayer la route à leurs successeurs ; ses conquistadores ont conquis des continents et des mers, ses héros ont résolu tous les problèmes ou presque. Un seul exploit reste encore à réaliser, le dernier, le plus beau, le plus difficile : faire sur un seul et même navire le tour du globe, prouver envers et contre tous les cosmographes et les théologiens du passé la sphéricité de la terre. Accomplir cette mission sera le but et la destinée de Fernão de Magalhães. « 

En 1518, un Portugais exilé du nom de Magellan convainc le roi d’Espagne, Charles Quint, d’un projet fou : « il existe un passage conduisant de l’océan Atlantique à l’océan Indien. Donnez-moi une flotte et je vous le montrerai et je ferai le tour de la terre en allant de l’est à l’ouest. » Partie en 1519, l’expédition reviendra trois ans plus tard, disloquée mais victorieuse. Malgré les fausses cartes et les mutineries, le froid, la faim et les maladies, Magellan a forcé le détroit qui porte aujourd’hui son nom et vaincu le Pacifique, inconnu à l’époque. Un destin héroïque magistralement conté et réfléchi par Stefan Zweig.

Littérature classique aujourd’hui avec la biographie de Magellan par Stefan Zweig. Un récit court, rythmé, porté par l’écriture fluide, spontanée mais révélant néanmoins la parfaite maîtrise des mots de l’auteur autrichien. S’appuyant sur des textes historiques, idéalisant peut-être cette biographie pour combler les lacunes et proposer un texte riche, Zweig nous embarque dans le premier tour du monde. Une certaine distance est installée avec les personnages, notamment Magellan, aventurier taciturne, renfermé et terriblement obstiné, mais nous accrochons à l’histoire car le rythme est haletant et la tension monte au fil des pages.

J’aime beaucoup l’écriture de Zweig qui coule de source. Il m’a semblé l’entendre me conter une histoire, converser avec moi sur ces grands voyageurs, tout en jouant astucieusement avec le langage. Il est terrible de voir comme à l’époque, et peut-être même encore aujourd’hui, les rois s’octroyaient les mérites d’aventuriers intelligents et audacieux, certains finissant parfois en prison. Nous ne nous représentions pas le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui et il est difficile de se figurer l’excitation, la crainte, la fierté que les explorateurs avaient de découvrir de nouveaux continents, de savoir si la Terre est plate ou ronde, de confirmer ou d’infirmer certains théories, de se lancer sans aucune technologie actuelle dans le véritable inconnu. Il était possible de tout imaginer et les mythes et légendes alimentaient les esprits. Les grands explorateurs m’ont toujours fascinée. Je ne me lasse pas de relire les aventures d’Amundsen, Scott et Nobu dans leur course effrénée et mortelle vers le Pôle Sud. Je me suis toujours demandée quelle force, quel sentiment pouvaient bien animer ces pionniers, pour dépasser la peur de la mort et entreprendre de grandes découvertes. Avec ce roman de Sweig il nous est donné d’essayer de prendre conscience de tous ces ressentis et d’effleurer au gré de quelques pages l’émotion de la grande aventure, pour retourner aux côtés des explorateurs au courage hors normes qui nous faisaient tant rêver dans notre jeunesse. Cet ouvrage est également l’occasion d’apprendre ou réapprendre l’origine de certains noms : le Pacifique, Rio de Janeiro… et de satisfaire un peu notre curiosité et notre soif de connaissances !

Au-delà de ses romans et nouvelles connus dans le monde entier (Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme, Le joueur d’échecs, etc.), Stefan Zweig a écrit de nombreux essais et biographies, notamment sur la vie de Marie-Antoinette et de Marie Stuart. Il a beaucoup voyagé et connu un grand succès dès son époque. Désespéré par les actes de l’Allemagne et pensant la cause de l’Europe perdue, Sweig et sa femme se suicident à l’entrée dans la seconde guerre mondiale. Le joueur d’échecs sera dès lors publié à titre posthume.

285 p., Éditions Grasset (1938), Éditions Le livre de poche (2012), Traduit de l’allemand par Alzir Hella (traducteur désigné par Stefan Zweig).

Vous aimerez aussi :

2 commentaires sur “Magellan de Stefan Zweig

Ajouter un commentaire

    1. Je te recommande vraiment celle de Magellan, si tu aimes les récits de voyage ! Sinon j’ai également entendu beaucoup de bien de la biographie de Marie Stuart. Un de mes amis a lu Marie-Antoinette et l’a beaucoup aimé. Je crois que globalement les biographies de Stefan Zweig sont une valeur sûre même si un peu romancées.

      Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :