La pierre et le sabre d’Eiji Yoshikawa

« Ensemble, tous trois se rapprochèrent de Musashi. Au même instant, le sabre de ce dernier perça l’air avec le bruit sec d’une corde d’arc, et un cri foudroyant remplit l’espace vide. Ce cri de guerre émanait non de la seule bouche de Musashi mais de son corps entier : la volée soudaine d’une cloche de temple qui résonne dans toutes les directions. Ses adversaires s’étaient déployés de part et d’autre de lui, devant et derrière.
Musashi vibrait de vie. Son sang paraissait sur le point de jaillir de chacun de ses pores. Mais il avait la tête froide comme glace. Était-ce le Lotus flamboyant dont parlaient les bouddhistes ? La suprême chaleur unie au froid suprême, la synthèse de la flamme et de l’eau ?
Le sable avait cessé de voler dans les airs. Jōtarō avait disparu. Des bouffées de vent descendaient en sifflant de la cime du mont Kasagi ; les sabres solidement empoignés brillaient d’une lueur phosphorescente. »

Dans le japon du XVIIème siècle, Miyamoto Musashi, jeune homme fougueux, n’aspire qu’à se battre. Recherché dans tout le pays, il est recueilli par un moine et n’a bientôt plus qu’un seul but : tendre à la perfection grâce aux arts martiaux. Son sabre sera désormais serviteur du bien. Il ira de combats en conquêtes à la recherche d’amour et de sagesse, épaulé par le chant de sa tendre Otsu.

Pour les amateurs de romans épiques, de ceux auxquels on consacre de nombreuses heures et dont nous avons grande hâte de retrouver les héros. Pour les amateurs du Pays du Soleil Levant, des samouraïs et de leur honneur, des combats au sabre et de la sérénité qui émane du bouddhisme et des haïkus. Pour ceux qui aiment lire les grands classiques, de ceux que l’on n’oublie pas, de ceux dont on parlera forcément autour de soi. La pierre et le sabre est tout cela et bien plus encore : une plume aérienne et poétique, des personnages attachants au caractère marqué, des hommes, des femmes, des enfants, des héros de tous âges, beaucoup de saké et un long périple exaltant, pour une plongée saisissante dans le Japon féodal du XVIIème siècle.

Voilà bien longtemps que je ne m’étais pas lancée dans un pavé classique et héroïque. Parfois cela me fait beaucoup de bien ! Quel plaisir de suivre des personnages pendant des centaines de pages au travers d’aventures palpitantes, comme un monde qui nous semble familier et que l’on peut rejoindre dès qu’un petit moment de libre apparaît. A l’automne je m’étais plongée dans la rétrospective des films de Kenji Mizoguchi sur Arte – bien m’en a pris, une très belle découverte – et j’avais notamment regardé Les contes de la Lune vague après la pluie. Cela m’a permis de rentrer avec force et réalisme dans le roman d’Eiji Yoshikawa car l’atmosphère et l’époque m’ont paru très semblables. J’apprécie lorsqu’un thème m’inspire pouvoir croiser différents auteurs et différents types d’œuvre pour en avoir une vision composite et variée. Pour en revenir à notre roman, je dois avouer que je me suis parfois perdue dans les nombreux personnages, certains noms sont similaires et l’auteur passe aisément d’une scène à l’autre. Mais cela demande au moins d’être attentif à la lecture ! Les héros ont des caractères forts et de multiples facettes. Certains me sont restés très énigmatiques comme le moine Takuan. Matahachi et sa mère sont parfois exaspérants, l’un dans sa couardise, l’autre dans sa quête obsédante de vengeance. J’ai adoré le personnage d’Otsu, qui loin de rester l’amante éplorée attendant passivement le retour de son bien-aimé ne manque pas de prendre la route et d’affronter les dangers. Et bien entendu Musashi, un personnage tout en ambiguïté, dont les doutes, les convictions et les actes font passablement réfléchir le lecteur. Eiji Yoshikawa a su me faire rentrer dans un sublime univers, mêlant savamment la violence des rônins et de la vie sur le routes, à la douceur et au flegme japonais. Les scènes chez Kōetsu notamment sont d’une grande spiritualité et d’une infinie délicatesse. Un classique du genre que j’ai eu grand plaisir à lire et que vous ne devez pas manquer si vous aimez le Japon, les lames aiguisées et les cerisiers en fleurs, si l’honneur et la ténacité sont des valeurs qui vous parlent et si vous êtes prêts à passer quelques semaines dans un grand roman captivant !

Eiji Yoshikawa est un écrivain japonais né en 1892. Ayant commencé comme apprenti dans un atelier de laquage d’or, il remportera dès l’âge de 20 ans un concours d’écriture qui l’amènera par la suite à devenir un des plus grands écrivains japonais du XXème siècle. La pierre et le sabre est une biographie romancée du célèbre rônin Musashi.

857 p., Éditions J’ai Lu (1986), Traduit par Léo Dilé, Titre original : Musashi (1971).

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