La longue route de Bernard Moitessier

« Ce soir je n’ai pas sommeil, je respire la paix qui m’entoure, l’eau descend par les voiles qui la relient au ciel, elle remplit les seaux, je peux l’entendre d’ici quand la bôme se relève un peu en libérant d’un coup toute l’eau prise dans le pli du premier ris que je n’ai pas largué. Le jerrican est presque plein, je vais le transvaser bientôt dans le tank. J’ai pourtant bien assez d’eau pour atteindre le pot-au-noir de l’Atlantique, mais je la verse dans le tank et ne m’arrêterai que lorsqu’il sera plein. […]
La lampe à pétrole luit tendrement dans la cabine, comme une étoile lointaine et toute proche ensemble. Elle donne à mon eau son poids exact, rend à toute chose sa vraie valeur.
Et c’est bien plus que le miracle de ma liberté, c’est autre chose, quelque chose que j’ai senti plusieurs fois dans mon ventre. »

Faire le tour du monde. Sans doute l’un des plus vieux rêves de l’homme. En 1968, le Sunday Times décide d’organiser la première régate en solitaire et sans escale, en doublant les trois caps : Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn. Avec d’autres, Bernard Moitessier relève le défi et prend congé des siens dans le port de Plymouth. Seul entre mers et ciels, il relate dans son journal de bord ses dix mois sans toucher terre, sa vie au quotidien sur le Joshua, les dauphins, les poissons volants et les étoiles.

Un ouvrage mythique, pour un voyage à bord d’un voilier qui dans les années 70 demandait une réelle technicité, une connaissance et une écoute de la mer et des vents indéfectibles, en compagnie d’un marin hors pair qui nous partage son tour du monde, la vie au jour le jour sur Joshua, la fatigue, l’émerveillement et ses réflexions sur notre monde moderne illusoire.

J’avais au préalable lu Damien autour du monde de Gérard Janichon qui m’avait déjà offert un très beau voyage et donné l’envie de tout quitter. Après une visite à la Cité de la voile de Lorient, j’ai été tentée d’en savoir plus sur Bernard Moitessier, le vagabond des mers du Sud, et ses ouvrages bien connus des voyageurs et autres aventuriers. Ce livre est une très belle expérience : le quotidien sur le bateau est parfaitement décrit, on imagine très bien l’organisation à bord, les difficultés mais aussi les plaisirs de la navigation. Pour les passionnés de voile, des appendices assez techniques donnent des détails très intéressants sur l’aménagement du bateau et le matériel utilisé. J’ai beaucoup apprécié suivre le marin dans sa compréhension des éléments, son écoute du bateau et de la météo. Au-delà du navigateur hors pair, j’ai aussi aimé suivre l’homme en marge de la société, ses réflexions sur l’environnement et notre mode de vie consumériste (même si parfois jeter le superflus par dessus bord ne semblait pas le choquer !). Bernard Moitessier semble constamment partagé entre son foyer, sa famille qui lui manque, à qui il doit donner des nouvelles et son besoin d’être seul avec les albatros, les dauphins, la mer et Joshua. J’ai regretté que les derniers chapitres, sur la fin du voyage soient un peu accélérés, autrement je ne peux que recommander cette lecture, pour voyager, s’évader et prendre du recul sur un quotidien qui nous semble une évidence.

Bernard Moitessier est né en 1925 en Indochine. Son premier ouvrage, Vagabond des mers du Sud, paru en 1960, relate ses aventures en solitaire à bord de Marie-Thérèse, une jonque. Ses expériences en tant que marin en ont inspiré bien d’autres après lui. Bernard Moitessier est mort en 1994.

439 p., Éditions J’ai Lu (2012).

Vous aimerez aussi :

2 commentaires sur “La longue route de Bernard Moitessier

Ajouter un commentaire

Répondre à InTheMoodForMexico Annuler la réponse.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :