
« La troisième dimension de la vitesse est la plus imperceptible. On la trouve rarement incarnée. Tu es à mes yeux, Caracole, l’un des seuls êtres vivants que j’ai rencontrés qui la donne à voir – par instants, sur quelques éclats, quelques flèches. J’appelle cette vitesse le vif. Elle est adossée, secrètement, à la mort active en chacun, elle la conjure et la distance. Le vif n’est pas relatif à un espace ou à une durée. Il n’opère pas un pli ou une déchirure dans un tissu préexistant, comme l’opère le mouvement. Il est le surgissement absolu. Il amène, dans un vent, dans une vie, dans une pensée, le plus petit écart. Un minuscule apport, à peine un grain, et tout explose… […] Quand le vif jaillit, quelque chose, enfin, se passe. »
Un groupe d’élite, formé dès l’enfance à faire face, part des confins d’une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l’origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage : la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromaître et géomaître, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d’un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou.
Le vent omniprésent : sa force, le bruit ambiant, son souffle, plusieurs formes, tantôt dévastatrices, parfois presque réconfortantes, et sans que l’on s’y attende, par moments, le calme, le silence. Face au vent, 23 Hordiers, soudés depuis leur plus tendre enfance, talentueux, solidaires, hommes, femmes, amis, amants, frères, avec un seul objectif : trouver l’origine du vent et s’en approprier les neuf formes. Une quête pour le bien commun, une quête intérieure où vivre, se battre, avancer, contrer et mourir changent peu à peu de sens.
Je lis assez peu de science-fiction, non par déplaisir, mais peut-être par facilité, pour rester dans ma zone de confort de lecture. J’ai lu il y a quelques années déjà le cycle de Dune, qui m’a beaucoup plu, et m’a tenue en haleine pendant plusieurs mois de lecture. La Horde du Contrevent m’a donc permis un retour à la littérature de science-fiction, à son vocabulaire pas toujours facile à appréhender pour un novice, ses codes, son univers mystérieux, des personnages aux caractères souvent marqués : courageux, traîtres, sensibles, intelligents, sensuels. La plume poétique de Damasio nous permet d’imaginer et de nous immerger aisément dans ce monde étrange qui s’étend de l’Extrême-Aval à l’Extrême-Amont. De nombreuses réflexions nous amènent à prendre du recul sur notre société, sur notre vie. A prendre du recul ou peut-être à redouter une fin qui n’aurait pas de sens, un destin qui finalement n’existerait pas. Le roman démarre à la page 701 pour arriver, après de nombreuses aventures, des joies et des souffrances à la page 0, à cette origine objet de la quête. Je me suis beaucoup attachée aux Hordiers, comme si j’avais moi aussi ma place dans le Pack, bien abritée au milieu, à m’imprégner du vif de chacun. J’ai beaucoup apprécié le partie pris de l’auteur de nous raconter l’histoire au travers des yeux et du cœur de chaque héros, tour à tour, nous faisant prendre pleinement conscience de l’unité des vingt-trois personnages mais aussi de leurs qualités respectives. On souffre avec eux dans les épreuves, on profite des moments de répit, on apprend petit à petit la nature du vent, la magie des chrones, le pourquoi et les mystères de cette aventure. Il faut prendre le temps de rentrer dans les codes du roman, notamment les signes des personnages, le vocabulaire, puis il n’y a plus qu’à fixer son harnais et suivre la horde. Une très belle lecture qu’il faut prendre le temps de savourer !
La Horde du Contrevent a reçu le Grand prix de l’Imaginaire en 2006. Pour la première édition un CD permettait d’accompagner la lecture, sur une musique d’Arno Alyvan. La bande originale est toujours disponible en ligne.
Alain Damasio est un artiste multiple qui a participé à des créations sonores, au script de jeux vidéos et animé de nombreuses conférences.
701 p., Éditions Gallimard (Première édition avec CD, La Volte, 2004), Collection Folio Science-Fiction.
Ça fait plaisir de voir de la science-fiction! Ton article donne envie de découvrir ce roman.
A quand un article sur Philip Pullman? 😉 Le tome 2 de la Trilogie de la Poussière devrait bientôt sortir en français.
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Belle idée, cela m’a donné envie de lire plus de science-fiction ! Philip Pullman peut être une bonne façon de poursuivre 🙂
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