
« Mon Dieu, ayez pitié », chuchotait Grace.
Rebel avançait laborieusement dans la pente raide, et la posture élégante qu’elle avait réussi à conserver sur terrain plat n’était plus qu’un souvenir. L’encolure du cheval montait et descendait sous l’effort et Grace était couchée en avant, agrippée au pommeau, ballottée de droite et de gauche comme un brin d’herbe malmené par le vent. La pente s’est radoucie un peu et le pas des chevaux s’est stabilisé. Au moment où nous sortions du bois, nous avons été accueillies par un de ces majestueux couchers de soleil des Rocheuses. Le ciel était un mélange de pourpre, de bleu et d’or, et des rais de lumière dorée éclairaient les versants abrupts des montagnes qui nous faisaient face.
Grace a émis un son étouffé devant ce spectacle.
Déjà, la grande entaille qu’elle s’était faite au-dessus du sourcil gauche dans sa chute formait une croûte, et je lui ai demandé si elle était contente d’être venue.
Elle a répondu oui d’une voix émue. »
Il était une fois, dans l’Ouest, cinq femmes puissantes…
Parce qu’à la mort de son mari Margaret Parker voit son ranch lui échapper, elle et ses compagnes décident de tourner le dos à la loi. Elles s’appellent Joan ou Stella, Ruby, Hattie, elles sont blanches, elles sont noires, elles sont sœurs, victimes des hommes et de leur justice inique. A elles toutes, elles forment le gang Parker – auquel nulle banque ne résiste. A travers le Colorado, leur chevauchée fantastique fera trembler les propriétaires terriens, tout l’édifice d’un Far West où les femmes, en théorie, n’ont pas leur place.
Libre à elles, désormais, d’écrire leur propre légende.
A Heresy Ranch, un gang de femmes à l’âme de Robin des Bois réalise plusieurs hold-up, dont les exploits sont toujours attribués à leurs comparses masculins. Jusqu’au jour où Margaret, dont les jours sont comptés, décide de réaliser un gros coup… mais Jed Spooner lorgne sur le ranch, Callum Connolly n’a toujours pas digéré de s’être fait cambrioler par des femmes et une bande de détectives privés les recherche… Les paris sont ouverts !
Un western féminin entre documentaire, mémoires et cavalcades effrénées. Une fois la trame et l’alternance des styles saisies, cette lecture m’a complètement happée. Je me suis beaucoup attachée aux différentes figures féminines, le changement de points de vue permettant de comprendre et de développer une réelle empathie pour ces héroïnes aux caractères très différents. Nous voilà plongés dans l’Ouest poussiéreux et sanglant, pour un récit entre féminisme, solidarité et courage, une très belle découverte, qui ne donne qu’une envie, seller son cheval et suivre Garet et sa bande jusqu’au bout du monde ! La part entre fiction et réalité est bien mince et l’on veut croire dur comme fer à ce gang mêlant bienveillance et une forte amitié mais également hostilité et vengeance. Le personnage de Grace, ambivalent, m’a beaucoup touchée, elle semble presque sortie de la série Peaky Blinders : une jolie blonde infiltrée qui tombera amoureuse de son ennemie. Couleur de peau, amours entre femmes, transidentité, de nombreux thèmes sont abordés sans stigmatisme. Les épisodes ne se déroulent pas dans l’ordre chronologique et peuvent rendre la lecture moins fluide. Il m’a fallu à plusieurs reprises confronter les dates pour ne pas me perdre mais cela renforce l’impression de non fiction que j’ai bien appréciée. Si vous avez envie d’Ouest sauvage, d’aventures et de féminité, ce roman peut être une belle échappée pour la période estivale qui s’annonce.
Melissa Lenhardt est une autrice américaine qui vit au Texas. Les femmes d’Heresy Ranch est son premier roman publié en France.
601 p., Éditions du Cherche Midi (2021), Pocket (2022), Traduit de l’américain par Tania Capron, Titre original : Heresy Ranch.
Ça a l’air chouette ! 🙂
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